Il est toujours avantageux de se préparer en vue d’affronter les divers éléments imprévisibles qui peuvent survenir quand on est propriétaire d’entreprise. Comme pour bon nombre de choses, l’importance de se doter d’une convention d’actionnaires bien rédigée devient évidente uniquement lorsqu’il est déjà trop tard. En voici les rudiments.
QU’EST-CE QU’UNE CONVENTION D’ACTIONNAIRES?
Une convention d’actionnaires est un document officiel qui donne les grandes lignes des attentes des actionnaires et de leurs droits et obligations. Les conventions d’actionnaires peuvent comprendre de nombreuses clauses qui complètent les lois et les statuts constitutifs, tout en procurant des mécanismes qui servent à la gestion d’une variété d’événements. Notamment, elles offrent l’occasion de créer un mécanisme d’établissement des prix axé sur les actionnaires vendeurs qui vendent aux actionnaires en place.
QUI DEVRAIT CONCLURE UNE CONVENTION D’ACTIONNAIRES?
Toute entreprise ayant au moins deux actionnaires peut tirer avantage d’une convention d’actionnaires. Aborder des sujets tels que le décès, la fraude, la cessation d’emploi et d’autres enjeux peut gâcher la « lune de miel » qu’est la constitution de l’entreprise; cependant, il est fondamental que ces enjeux, et bien d’autres, soient gérés au fur et à mesure que l’entreprise s’établit. Cela permet de s’assurer que des mécanismes sur lesquels il y a consensus sont en place, au cas où de telles circonstances surviendraient.
QUELLES SERAIENT LES CONSÉQUENCES DE L’ABSENCE DE CONVENTION D’ACTIONNAIRES?
Des cas de figure abondent dans notre pratique, dans le cadre de notre offre de services de soutien aux litiges financiers et de services-conseils. Citons comme exemple non négligeable celui d’un empire bâti par un petit nombre d’actionnaires et de ce qui est arrivé au décès de l’un d’entre eux. Dans ce cas, les actions ont fini par devenir la propriété de la succession dudit actionnaire. Les désaccords au sujet de la gestion et des distributions de l’entreprise entre les actionnaires existants et la succession ont mené à une bataille juridique qui s’est poursuivie pendant plusieurs années et qui aurait pu être évitée si un mécanisme de sortie, tel que le rachat obligatoire par les dirigeants de la participation du défunt, avait été mis en place.
De même, le fait de ne pas posséder de mécanisme de sortie, alors qu’il y a conflit entre les actionnaires, peut créer des impasses dans le processus décisionnel, ce qui, avec le temps, finit par nuire à l’entreprise en raison d’une moindre collaboration. Le fait de disposer d’un mécanisme de résolution déjà convenu, jumelé à des dispositions sur la médiation ou l’arbitrage, peut être pratique et éviter le processus long et onéreux d’un litige officiel.
QUE DOIS-JE INCLURE DANS UNE CONVENTION D’ACTIONNAIRES?
Un avocat chevronné, spécialisé en droit commercial, peut intégrer de nombreux aspects dans une convention d’actionnaires. Or, certaines clauses ont une incidence significative sur la valeur d’une participation durant une vente, que celle-ci soit ou non forcée (aussi appelées « clauses d’achat-vente »). L’évaluateur d’entreprises peut vous venir en aide avec la rédaction de clauses d’achat-vente, qui donnent les grandes lignes des méthodes et des modalités d’évaluation suivant lesquelles l’on peut acheter ou vendre une participation.
SI JE CONCLUS UNE VENTE, EST-CE QUE LA CLAUSE D’ACHAT-VENTE PEUT RÉELLEMENT AVOIR UNE INCIDENCE SUR LA VALEUR DE MA PARTICIPATION DANS L’ENTREPRISE?
Elle a une incidence sur le prix auquel vous vendrez votre participation, lequel pourrait être considérablement différent de ce qui pourrait valoir votre participation (à savoir, sa valeur).
En l’absence de ces clauses, les détenteurs d’une participation minoritaire peuvent se retrouver le dos au mur pendant tout processus de négociation de rachats éventuel. L’orientation qui est fournie au moyen de clauses d’achat-vente, généralement, sert à une détermination bien transparente de la valeur, selon ce qui a été convenu d’avance entre les actionnaire.
ALORS, COMMENT PARVIENT-ON HABITUELLEMENT À ÉTABLIR LA VALEUR?
Les deux méthodes les plus courantes pour établir la valeur mentionnée dans les clauses d’achat-vente sont a) l’adoption d’une formule d’évaluation et b) la nomination d’un évaluateur au moment où un événement déclencheur se produit.
Fondées sur les informations financières de la société, ces formules d’évaluation peuvent être axées sur des multiples de revenus, des mesures du profit ou d’autres données financières. Elles demeurent populaires, et pour cause : elles sont plutôt faciles à utiliser.
Nous trouvons souvent des formules établies en fonction de la « valeur comptable », un terme qui, loin de désigner une valeur, désigne plutôt une notion comptable. Dans la plupart des cas, ces types de formules donnent lieu à un prix de rachat déraisonnablement bas. Si une société opérante s’appuie sur la valeur comptable qu’elle trouve dans les documents comptables, cela empêche de comptabiliser la valeur associée à une clientèle bien établie, à un nom de marque, et à un droit de propriété intellectuelle ainsi qu’à un « goodwill » global (lesquels ne sont jamais inscrits à l’actif dans les états financiers).
La formule d’évaluation, dans l’éventualité où l’on utiliserait une telle formule, doit être composée avec soin, puis révisée, pour assurer qu’elle ne devient pas désuète (inappropriée) compte tenu de l’évolution du modèle d’entreprise et de l’environnement économique. Elle devrait également tenir compte des aspects propres aux actifs détenus par l’entreprise qui ne sont pourtant pas liés aux activités normales de celle-ci (tels qu’un portefeuille-titres ou des liquidités supplémentaires dormantes dans l’entreprise), car la formule peut ne pas saisir ces éléments d’actif non opérationnels.
On nous demande souvent de l’aide pour élaborer des rapports d’évaluation dans des circonstances où la convention d’actionnaires prévoit l’affectation d’un professionnel indépendant chaque fois qu’il est question de faire valoir une clause d’achat-vente. Cette approche réduit la probabilité que survienne un différend sur le prix. La conclusion portant sur la valeur est plus facilement acceptée par les actionnaires qui sont parties prenantes à la transaction, car la valeur résultante serait établie par une partie indépendante, qui ne favorise ni l’acheteur (qui voudrait acheter à un prix moindre) ni le vendeur (qui voudrait vendre à un prix élevé). Elle est néanmoins plus onéreuse que la mise en application d’une formule, et elle peut entraîner des retards de production, car l’évaluateur doit prendre le temps nécessaire à la collecte des informations suffisantes pour l’élaboration d’un rapport.
EST-CE TOUT OU DOIS-JE CONNAÎTRE D’AUTRES INFORMATIONS?
Le libellé de la clause d’achat-vente est déterminant pour s’assurer qu’il n’y ait pas de controverse sur son application.
Souvent, on passe en revue des conventions qui omettent d’aborder une multitude de questions dont la simple mention donnerait une orientation à l’évaluateur d’entreprises. Par exemple, en cas de décès, les produits tirés de l’assurance vie devraient-ils être pris en compte dans la valeur des actions pour l’établissement du prix de rachat?
Si on ne comprend pas les répercussions du libellé, la conclusion peut être extrêmement différente de ce à quoi l’on s’attend.
CONCLUSION
Quelle que soit la méthode suivie, les entreprises décidément changent au fil du temps. Le fait de « dépoussiérer » la convention d’actionnaires de temps à autre, et de la mettre à jour, permet d’assurer sa pertinence dans l’éventualité où il faudrait s’en prévaloir, et peut faire gagner des années de maux de tête, d’honoraires professionnels et d’incertitude.